Mathieu Gouret est le gérant et barman du Santeuil Café à Nantes. C’est un des plus vieux bistrots nantais qui date des années 50 avec une décoration très atypique.
Il a été l’un des premiers gagnant du concours international The Bartenders Society en 2017
Interview.
Mon lien date depuis le début. J’ai fait la première édition nationale en 2016 et ai terminé second. Et j’ai refait l’édition de 2017, qui était la première édition internationale. Et j’ai eu la chance de la gagner.
Je me suis qualifié devant 10 barmen internationaux. J’avais choisi de mettre en avant un thème qui me tenait à cœur, qui était la lutte contre le cancer du sein. J’avais fait mes deux cocktails dans l’esprit top chef. J’avais décidé que mes cocktails seraient roses, j’avais une chemise rose, et j’ai fait tout un univers autour de cela.
Mon cocktail avec alcool s’appelait « James a du cœur », et mon cocktail sans alcool s’appelait « Madame S. »
J’avais annoncé que si je gagnais je reverserai le gain de 1000 euros à une association pour le cancer du sein. Et finalement cela a tellement bien fonctionné que j’ai créé ma propre association qui s’appelle « l’association Madame S» .
Depuis The Bartender Society, via Jean-Louis Denis, Mélinda et Matthias*, sont partenaires de mon association. Cela fait un peu plus de 7 ans. On ne tombe pas dans ce type d’association par hasard. Entre les deux concours de 2016 et 2017, mon ancienne conjointe est décédée d’un cancer du sein. Et nous, on avait toujours une façon d’en parler avec le sourire, de communiquer dessus et de faire prendre conscience aux gens que le cancer du sein, c’est un des cancers qui le soigne le mieux en France. Mais malheureusement, il y a encore des personnes qui en décèdent. A mes côtés se trouve Alexandre Calteau, qui est un de mes très bon ami et qui malheureusement, lui aussi, a été touché de près par cette maladie. L’association depuis ses débuts a récolté plus de 200 000 euros.
Le S de Madame S désigne Sophie. Mais S permet à chacun d’avoir sa définition. On m’a dit le S pour sein le S pour Santeuil. C’est juste un petit logo léger. Nous faisons des goodies également et il n’y a jamais écrit dessus « cancer du sein » donc ça permet toujours d’en parler et de faire passer le message.
Je constate une tendance sur le sans alcool. C’est quelque chose que je défends et que je mets en avant déjà depuis plusieurs années. Honnêtement, je n’ai pas attendu que ce soit la mode. Le low alcool est vraiment très tendance depuis plusieurs années, notamment avec la consommation d’alcool qui est beaucoup plus réduite. Nous c’est quelque chose que nous faisons énormément dans notre établissement, avec Benoît et avec le reste de l’équipe. C’est le sans alcool c’est ce qui m’a amené à The Bartenders Society.
Je suis un fervent défenseur du sans alcool depuis que j’ai eu la chance de rencontrer Matthias [Giroud]. Selon moi il est le numéro 1 en France.
Il n’y a pas de cocktail sans alcool très connu en dehors du Bora Bora ou des Virgin. Sinon ce sont des cocktails signature. Au début les cocktails sans alcool étaient issus de cocktails classiques, avec beaucoup de jus de fruits et très sucrés. Donc c’est vrai que cela n’a peut-être pas aidé au développement. Mais aujourd’hui, nous démocratisons cette tendance en faisant beaucoup d’autres choses.
Au sein de mon établissement j’ai une partie événementielle qui s’appelle les Tontons Shakers, dans laquelle le sans alcool est mis en avant.
A Nantes, aujourd’hui, nous avons deux caves sans alcool qui se sont ouvertes : La cave parallèle et Gueule de joie. Je me dis que lorsqu’il y a deux établissements comme cela qui ouvrent dans la même ville, la même année, c’est qu’il y a de la demande. Nous sommes en partenariat avec eux notamment pour la partie mixologie. On fait des ateliers de cocktail, des inaugurations, des soirées d’entreprise, et il y a de plus en plus de demandes autour du sans alcool.
La tendance est au retour des vieux cocktails : le Old Fashioned, le Sazerac, le Boulevardier. Ces vieux cocktails classiques ont été créés souvent à l’époque de la prohibition. Ils reviennent sur le devant de la scène. Aujourd’hui, avec le panel de produits que l’on a, avec les épices, les nouvelles techniques de bar, on peut revisiter sans aucun problème ces cocktails là.
Après il y a des tendances qui perdurent. Il y a eu la vague des spritz, la vague des cocktails Mule. Aujourd’hui, ce sont les Mules qui sont énormément mis en avant.
La mode est au cocktail avec alcool revisité avec moins d’alcool. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut enlever le sucre. Le sucre est quelque chose de primordial pour l’équilibre d’un cocktail.
On voit aussi beaucoup de cocktails « secs ». C’est un cocktail sans jus de fruits, sans soda, très peu sucré, avec vraiment la mise en avant du spiritueux. C’est le cas du Old Fashioned ou du Negroni. Ce sont les spiritueux qui sont au cœur du produit. Pour le Old Fashioned c’est le whisky. Pour le Negroni, c’est le gin.
On constate aussi une tendance pour les cocktails clarifiés. Si on prend par exemple une pina colada. Tout le monde connaît la pina colada. On sait que c’est quelque chose d’assez lourd, assez gras, assez sucré. Normalement ce cocktail est fait avec du lait de coco. On va le clarifier pour le rendre plus léger. Concrètement on va séparer les parties lourdes et les parties légères de la composition du cocktail. On va travailler sur les arômes pour avoir quelque chose de très puissant, et translucide, transparent, clair.
Pour Octobre Rose, nous avons travaillé un Pisco [Le pisco est une eau-de-vie de vie obtenue par distillation du raisin] avec du jus de raisin et du lait entier simple en faisant un cocktail rose transparent.
De nouvelles choses techniques sont en train d’arriver. Elles sont empruntées à la cuisine. Le matériel est quand même beaucoup plus accessible financièrement pour tous les établissements. Cela permet de faire des cocktails où il y a beaucoup de mise en place avant, mais par contre, c’est très rapide à fabriquer ensuite. En revanche il faut avoir le temps d’expliquer aux gens comment est fait le cocktail.
Pour faire un bon Mojito il faut respecter la recette cubaine qui existe : un rhum cubain, un bon jus de citron vert frais ou des dés de citron vert frais et du sucre, blanc ou cassonade. Il faut trouver le bon équilibre entre le côté sucré, acidulé et la fraîcheur. Il faut qu’un Mojito ce soit frais, facile à boire et surtout qu’on n’en n’ait pas plein les dents.
Si un barman fait un bon Mojito, comme un bon Ti’Punch, cela va donner envie aux clients d’essayer d’autres cocktails.
Je regarde les réseaux sociaux. Je regarde Matthias Giroud, ce qu’il fait avec l’Alchimiste. Je trouve cela extraordinaire. Il a une autre personne que je suis, c’est Ludovic Bretel, un ami barman qui est sur Rennes.
Mes influences, je les prends aussi dans la vie de tous les jours.
Je n’ai pas de devise particulière si ce n’est la simplicité, être soi-même et continuer à avancer, être naturel, avec les aléas de la vie et les expériences de chacun. J’ai décidé de vivre à fond ma passion, parce que c’est une passion avant d’être un métier. Il faut avancer, regarder, écouter les autres, prendre soin des gens. Et normalement, généralement, on nous le rend bien.
Interview réalisée le 12 novembre 2024.
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* [Jean-Louis Denis est Directeur Commercial de la division BLMHD, Matthias Giroud, avec Mélinda Guerin White a fondé l’Alchimiste avec Matthias Giroud].